6
Blingdenpierre

 

 

Blingdenpierre était différente de tout ce qu’avait vu Drizzt jusqu’alors. Lorsque les gardes svirfnebelins lui avaient fait franchir les immenses portes de pierre et d’acier, l’elfe s’était attendu à découvrir une cité ressemblant peu ou prou à Menzoberranzan, quoique de dimensions plus modestes. Ses attentes ne pouvaient être plus éloignées de la réalité.

Alors que Menzoberranzan s’étendait dans une seule et immense caverne, Blingdenpierre était une cité composée de plusieurs petites cavités connectées les unes aux autres par d’étroits tunnels. La caverne la plus large du complexe, juste derrière les portes de fer, fut la première dans laquelle Drizzt entra. C’était là qu’était installée la garde de la ville ; la grotte avait été conçue et aménagée exclusivement pour la défense. Elle était étagée sur plusieurs dizaines de niveaux reliés les uns aux autres par une multitude d’escaliers polis. Ainsi, même si un assaillant se trouvait à moins de cinq mètres d’un défenseur, il lui faudrait gravir et descendre plusieurs escaliers avant d’être suffisamment proche de son adversaire pour le frapper. De petits murets de pierre parfaitement ajustés délimitaient les chemins et longeaient des murs plus hauts et plus épais destinés à ralentir les envahisseurs, les obligeant à rester longtemps à découvert.

Des vingtaines de svirfnebelins quittaient leur poste, voulant savoir s’il était vrai qu’un drow avait été amené dans la cité. Ils l’espionnaient depuis leurs abris, et Drizzt ne savait pas si leurs expressions traduisaient de la curiosité ou de l’hostilité. En tous les cas, les gnomes des profondeurs se tenaient prêts à toute éventualité ; chacun gardait ses carreaux et son arbalète à proximité.

Les svirfnebelins lui firent traverser la grotte, gravissant autant de marches qu’ils en descendaient, toujours sur des chemins bien délimités et encadrés par de nombreux gardes. Le chemin tournait, descendait, remontait brusquement pour revenir en arrière… Le seul moyen pour Drizzt de se repérer était de regarder le plafond qui restait visible même des niveaux les plus bas de la caverne. Le drow se plut à penser que, même en l’absence des gardes, les éventuels assaillants passeraient des heures à essayer de trouver leur chemin dans ce dédale de marches, mais il se garda bien de sourire pour de bon.

Arrivée au bout d’un corridor étroit où les gnomes des profondeurs ne pouvaient marcher qu’en file indienne et où Drizzt devait marcher en restant courbé, la troupe entra dans la cité elle-même. Plus large mais pas aussi longue que la première salle, cette grotte était aménagée comme la précédente mais avec beaucoup moins de niveaux. Des dizaines de niches se succédaient le long des murs, et des feux brûlaient par endroits – chose rare dans l’Outreterre où le combustible était difficile à trouver. Pour une cité des profondeurs, Blingdenpierre était lumineuse et bien chauffée, et en aucun cas inconfortable.

Drizzt se sentait soulagé, en dépit de sa position délicate, car il voyait les svirfnebelins continuer leur routine quotidienne tout autour de lui. Il sentait bien quelques regards curieux sur lui, mais ceux-ci ne s’attardaient jamais longtemps ; les gnomes des profondeurs de Blingdenpierre étaient un peuple industrieux qui n’avait guère le temps de s’adonner à l’oisiveté.

L’elfe noir fut de nouveau conduit sur des sentiers aménagés. À la différence des chemins tortueux et difficiles de la première grotte, ceux-ci étaient droits et plats et menaient apparemment tous à un grand édifice en pierre qui s’élevait au centre.

Le chef du groupe qui escortait Drizzt partit en avant pour parler aux deux gardes armés de piques qui se tenaient devant la structure centrale. L’un d’eux se précipita à l’intérieur tandis que l’autre maintenait la porte de fer ouverte afin de permettre à la patrouille et à son prisonnier de passer. Hâtant le pas pour la première fois depuis leur entrée dans la cité, les svirfnebelins poussèrent Drizzt dans un dédale de couloirs qui conduisaient à une chambre circulaire de moins de trois mètres de diamètre et dont le plafond était très bas. La pièce ne contenait rien, excepté une chaise en pierre. À peine l’elfe noir y fut-il installé qu’il comprit à quoi elle servait. Des fers en acier étaient intégrés à la chaise et Drizzt fut bientôt solidement attaché. Les svirfnebelins ne le ménageaient pas particulièrement, mais en voyant que la chaîne qui ceignait sa taille lui faisait mal, l’un d’eux n’hésita pas à la desserrer pour la repositionner afin que l’elfe ne souffre plus.

Ils laissèrent Drizzt seul dans cette pièce sombre et vide. La porte de pierre se referma dans un bruit sourd et il n’entendit plus rien.

Les heures passèrent.

Drizzt bandait ses muscles pour tenter de donner un peu de mou à ses liens. Il tortillait une de ses mains et tirait pour tenter de se libérer ; seule la douleur causée par l’acier mordant sur son poignet lui fit prendre conscience de ce qui était en train de se produire. Il redevenait chasseur, agissant pour survivre et désirant simplement s’échapper.

— Non ! hurla-t-il en s’efforçant de reprendre le contrôle de son corps.

Le chasseur en lui avait-il à ce point gagné du terrain ? Drizzt était venu de son plein gré et, jusqu’ici, tout s’était passé mieux qu’il l’avait espéré. Ce n’était pas le moment de tenter une action déraisonnable, mais le chasseur était peut-être assez puissant pour repousser les pensées rationnelles de Drizzt.

Il n’eut pas le temps de réfléchir à cela. En l’espace d’une seconde, la porte s’ouvrit brutalement, et un groupe de sept svirfnebelins âgés, à en juger par les nombreuses rides qui sillonnaient leur visage, entrèrent et se dispersèrent autour de lui. Drizzt sut qu’il s’agissait de personnalités importantes de la cité, car ils portaient des robes faites de fines étoffes tandis que les gardes étaient vêtus de vestes de cuir fermées par des anneaux de mithral. Les anciens s’affairaient, observaient Drizzt avec attention et échangeaient des propos dans leur langue incompréhensible.

L’un d’entre eux tenait l’emblème de la Maison de Drizzt, qui lui avait été confisqué à son arrivée.

— Menzoberranzan ? demanda-t-il.

Drizzt inclina la tête autant que le lui permettait la chaîne qui entourait son cou, pour essayer d’entrer en communication avec ses geôliers. Ce n’était visiblement pas dans leurs intentions, et ils reprirent leur conversation privée avec beaucoup plus d’animation.

Il en fut ainsi pendant plusieurs minutes ; Drizzt pouvait déterminer au son de leurs voix que deux parmi eux étaient loin d’apprécier la présence d’un prisonnier drow originaire de la cité de leurs pires ennemis. Au ton hargneux de leur discussion, il s’attendait presque que l’un d’eux vienne lui trancher la gorge.

Mais cela n’arriva pas ; les gnomes des profondeurs n’étaient ni irréfléchis ni cruels. L’un d’entre eux se détacha du groupe pour se tenir face à Drizzt.

— Par les pierres, elfe noir, pourquoi es-tu venu ? demanda-t-il dans un drow hésitant mais compréhensible.

Drizzt ne savait pas quoi répondre à cette simple question. Comment expliquer les années de solitude passées dans l’Outreterre ? Ou sa décision d’abandonner son peuple malveillant pour vivre selon ses principes ?

— Pour trouver des amis, répondit-il simplement.

Il s’agita nerveusement, pensant que sa réponse était hors de propos.

Le svirfnebelin n’était pas de cet avis, apparemment. Il se gratta le menton et considéra les paroles de l’elfe avec attention.

— Tu… Tu viens de Menzoberranzan ? demanda-t-il.

Son nez aquilin se plissait à chaque mot énoncé.

— Oui, confirma Drizzt en reprenant confiance. J’ai quitté ma cité il y a de nombreuses années. (Son regard se perdit dans ses pensées alors qu’il se rappelait la vie qu’il avait laissée derrière lui.) Mais je ne m’y suis jamais senti chez moi.

— Ah, mais tu mens, elfe noir ! s’écria le svirfnebelin.

Il tenait à la main l’emblème de la Maison Do’Urden et ne semblait pas avoir compris le sens des paroles de Drizzt.

— J’ai en effet vécu longtemps dans la cité drow, rectifia-t-il rapidement. Je suis Drizzt Do’Urden, autrefois Second Fils de la Maison Do’Urden. (Il regarda l’emblème gravé des armes de sa famille que tenait le gnome.) Daermon N’a’shezbaernon.

Le svirfnebelin retourna vers ses camarades qui se mirent à parler tous en même temps. L’un d’entre eux avait semblé reconnaître le nom ancien de la Maison drow, ce qui surprit Drizzt.

Le gnome qui l’avait interrogé tapotait ses lèvres ridées avec ses doigts, faisant de petits bruits agaçants pendant qu’il réfléchissait à la suite de l’interrogatoire.

— D’après nos informations, la Maison Do’Urden existe toujours, lâcha-t-il avec désinvolture, attentif aux réactions de Drizzt. (Devant le silence du prisonnier, il reprit.) N’es-tu pas le renégat ? éructa-t-il d’un ton accusateur.

Comment pouvait-il être au courant ?

— Je suis renégat par choix…, commença à expliquer Drizzt.

— Ah ! elfe noir, l’interrompit le gnome, redevenu calme. Que tu sois ici par choix, je veux bien le croire. Mais un renégat ? Par les pierres… (Le visage du gnome des profondeurs se crispa soudain de manière effrayante.) Dis plutôt un espion !

Il s’apaisa aussi soudainement qu’il s’était emporté.

Drizzt l’observait avec attention. Ces brusques changements de comportement étaient-ils une technique pour que le prisonnier baisse sa garde ? Ou étaient-ils caractéristiques de cette race ? Drizzt était en train de chercher des réponses à ces questions, essayant de se souvenir de sa précédente rencontre avec les gnomes des profondeurs, quand soudain son interrogateur sortit d’une des poches de sa robe une figurine familière.

— Dis-moi la vérité maintenant, elfe noir, tu t’épargneras bien des tourments. Qu’est-ce que ceci ? demanda le gnome calmement.

Drizzt sentit ses muscles se crisper de nouveau. Le chasseur en lui voulait appeler Guenhwyvar pour qu’elle mette en pièces ces vieux svirfnebelins ridés. L’un d’entre eux avait sûrement les clés de ses chaînes ; alors, il serait libre…

Drizzt évacua ces pensées et écarta le chasseur de son esprit. Il savait que sa situation était désespérée ; il le savait depuis qu’il avait décidé de venir à Blingdenpierre. Si les svirfnebelins le prenaient pour un espion, alors ils l’exécuteraient. Même s’ils n’étaient pas sûrs de ses intentions, pouvaient-ils prendre le risque de le laisser en vie ?

— C’était une folie de venir ici, murmura l’elfe.

Il comprenait le dilemme devant lequel il avait placé les gnomes des profondeurs en venant dans leur cité. Le chasseur tenta de nouveau de s’insinuer dans ses pensées. Il n’avait qu’un mot à dire et la panthère serait là.

— Non ! hurla-t-il pour la seconde fois, repoussant la part obscure de son être.

Les gnomes firent un pas en arrière, craignant que l’elfe soit en train de lancer un sort. Une fléchette se planta dans la poitrine du prisonnier en libérant un petit nuage de gaz.

Drizzt sentit qu’il s’évanouissait à mesure que le gaz emplissait ses narines. Il entendait les svirfnebelins débattre à son propos, discuter de son avenir dans leur langue incompréhensible. Il devinait la forme de l’un d’entre eux, juste une ombre, qui se rapprochait. Celle-ci lui ouvrit les mains à la recherche d’éventuels objets magiques.

Quand les pensées et la vision de l’elfe redevinrent claires, rien n’avait changé. On lui mit devant les yeux la figurine d’onyx. Le même gnome lui demanda, cette fois-ci avec beaucoup plus d’insistance :

— Qu’est-ce que c’est ?

— Ma seule amie, chuchota l’elfe.

Drizzt réfléchit longuement à ce qu’il allait faire. Il ne pourrait pas en vouloir aux svirfnebelins si ceux-ci décidaient de le tuer, mais Guenhwyvar méritait mieux que de finir en statuette décorative sur la cheminée d’un gnome ignorant tout d’elle.

— Son nom est Guenhwyvar. Appelle la panthère et elle viendra en alliée et en amie. Prends-en soin, car elle est précieuse et très puissante, expliqua-t-il.

Le regard du svirfnebelin allait de la figurine à l’elfe avec curiosité et appréhension. Il tendit la figurine à l’un de ses compagnons qui s’en saisit et quitta la pièce ; il ne faisait pas confiance au drow. Si l’elfe avait dit la vérité – ce dont le gnome ne doutait pas –, cela voulait dire qu’il leur avait abandonné un objet magique de grande valeur et, ce qui était plus surprenant encore, qu’il avait renoncé à son seul moyen d’évasion. Ce svirfnebelin était âgé de près de deux siècles et, comme tous ceux de sa race, il connaissait les coutumes des elfes noirs. Qu’un des leurs agisse de la sorte le plongeait dans une profonde perplexité. Les elfes noirs avaient la réputation – bien méritée – d’être cruels et malfaisants, et quand un individu drow s’avérait conforme à cette description, il était facile de lui régler son compte, sans le moindre remords. Mais que faire avec un drow qui témoignait d’une moralité inattendue ?

Les svirfnebelins revinrent à leur conversation privée, ignorant de nouveau Drizzt. Puis ils quittèrent la pièce, à l’exception de celui qui parlait la langue du prisonnier.

— Qu’allez-vous faire ? osa demander l’elfe.

— Il n’y a que le roi qui puisse te juger, répondit sobrement le gnome. Il décidera de ton destin peut-être dans quelques jours, sur la base des observations de son conseil consultatif, que tu viens de rencontrer.

Le gnome des profondeurs se prosterna, puis se redressa, les yeux rivés à ceux de Drizzt.

— Je suppose, elfe noir, que tu seras exécuté. (Drizzt acquiesça ; la logique voulait qu’il meure.) Mais je crois que tu es différent, elfe noir. Je vais peut-être recommander l’indulgence, voire demander ta grâce, continua le svirfnebelin.

Tout en haussant ses épaules trapues, il se tourna et se dirigea vers la porte.

Le ton du gnome des profondeurs avait réveillé des souvenirs chez Drizzt. Un autre svirfnebelin lui avait déjà parlé de cette manière, en employant des propos similaires, quelques années auparavant.

— Attends, fit le prisonnier.

Le gnome s’arrêta et fit volte-face. L’elfe fouillait dans sa mémoire pour essayer de retrouver le nom du svirfnebelin qu’il avait sauvé.

— Qu’y a-t-il ? s’impatienta le gnome.

— Un gnome des profondeurs, de ta cité, je crois… Oui, il ne peut en être autrement, dit l’elfe.

— Tu connais quelqu’un de mon peuple ? interrogea le svirfnebelin en se rapprochant. Donne-moi son nom.

— Je ne le connais pas. Je faisais partie d’un groupe de chasseurs, il y a quelques années – dix ans peut-être. Nous nous étions battus avec un groupe de svirfnebelins qui s’étaient aventurés sur notre territoire.

Il marqua un temps d’arrêt, s’apercevant que le gnome des profondeurs commençait à se renfrogner, mais il savait que le survivant de cette rencontre était son seul espoir.

— Un seul gnome des profondeurs en réchappa et rentra probablement à Blingdenpierre.

— Quel était le nom de ce survivant ? demanda le svirfnebelin en colère, les bras croisés sur sa poitrine et ses lourdes bottes martelant le sol de pierre.

— Je ne m’en souviens pas, dut admettre Drizzt.

— Pourquoi me racontes-tu cela ? gronda le gnome des profondeurs. Je pensais que tu étais différent des…

— Il a perdu ses mains dans la bataille, poursuivit Drizzt avec obstination. S’il te plaît, tu dois le connaître…

— Belwar ? répliqua soudain le svirfnebelin.

Le nom raviva d’autres souvenirs chez Drizzt.

— Belwar Dissengulp ! s’écria-t-il. Alors il est vivant ! Il pourra se rappeler…

— Il ne pourra jamais oublier ce jour maudit, elfe noir, déclara le svirfnebelin entre ses dents serrées, la colère déformant sa voix. Personne à Blingdenpierre ne pourra jamais oublier ce jour maudit !

— Va le chercher. Va chercher Belwar Dissengulp, supplia Drizzt.

Le gnome des profondeurs sortit de la cellule, décontenancé par ce prisonnier décidément plein de surprises.

La porte de pierre claqua en se refermant. Drizzt, de nouveau seul, essaya de chasser tout espoir, car il savait sa fin proche.

 

 

— Pensais-tu vraiment que j’allais me séparer de toi ? disait Malice à Rizzen quand Dinin entra dans l’antichambre de la chapelle. Ce n’était qu’un stratagème pour endormir les soupçons de SiNafay Hun’ett.

— Je te remercie, Mère Matrone, répondit celui-ci, soulagé.

Il s’éloigna du trône à reculons, s’inclinant respectueusement à chaque pas.

Malice regarda sa famille rassemblée autour d’elle.

— Notre tâche est terminée, Zin-carla est achevé ! proclama-t-elle.

Dinin se tordait les mains d’impatience. Seules les femelles de la famille avaient vu le résultat de leur travail. Sur un signe de Malice, Vierna se dirigea vers un rideau sur le côté de la salle et le tira. Zaknafein, le maître d’armes, se tenait là. Ce n’était plus un corps en décomposition ; il semblait avoir retrouvé la vitalité de son existence passée. Dinin se dandinait sur place tandis que le maître d’armes avança pour venir se placer devant la Matrone Malice.

— Tu es aussi beau garçon qu’avant, mon cher Zaknafein, ironisa-t-elle.

Le mort-vivant ne répondit rien.

— Et beaucoup plus obéissant, ajouta Briza, déclenchant une salve de gloussements.

— C’est ce qui va… aller chasser Drizzt ? osa demander Dinin.

Il savait que ce n’était pas à lui de parler, mais Malice et les autres étaient trop absorbées par le spectacle pour le punir.

— Zaknafein sera celui qui administrera à ton frère le châtiment qu’il mérite, promit sa mère. (Rien qu’à cette évocation, ses yeux brillaient.) Mais, attendez, il est trop beau pour inspirer de la peur à mon impudent de fils, poursuivit-elle, taquine, ses yeux passant de l’esprit-fantôme à Rizzen.

Les autres prêtresses échangèrent des regards interrogateurs, se demandant si leur mère tentait encore d’apaiser son compagnon après l’épreuve quelle lui avait fait subir.

— Approche, mon concubin. Prends ton épée et taillade le visage de ton rival mort. Cela te fera du bien et inspirera de la terreur à Drizzt quand il croisera son ancien mentor !

Rizzen, d’abord très hésitant, prenait confiance au fur et à mesure qu’il s’approchait de l’esprit-fantôme. Zaknafein se tenait parfaitement immobile, sans respirer ni même cligner des yeux. Il semblait ne pas avoir conscience de ce qui se passait autour de lui. Rizzen posa une main sur son épée et jeta un dernier regard à Malice, attendant son signal.

La Mère Matrone fit un signe de tête. Dans un rugissement, Rizzen sortit l’épée de son fourreau et visa Zaknafein au visage.

Il n’eut pas le temps de s’en approcher.

Avec une rapidité telle qu’elle était imperceptible à l’œil nu, l’esprit-fantôme entra en action. Deux épées surgirent et se mirent à taillader tous azimuts, plongeant dans la chair et parant les coups avec une extrême précision. L’épée de Rizzen vola dans les airs et, avant que celui-ci ait eu le temps de protester, l’une des lames de Zaknafein lui tranchait la gorge tandis que l’autre lui transperçait le cœur.

Rizzen était mort avant de toucher le sol, mais l’esprit-fantôme n’en avait pas terminé avec lui. Ses armes continuaient leur ouvrage, tailladant et lacérant une dizaine de fois le corps du concubin jusqu’à ce que Malice, satisfaite de la démonstration, mette fin au carnage.

— Celui-ci m’ennuyait, et j’ai déjà choisi un nouveau mâle parmi la soldatesque, expliqua-t-elle à ses enfants incrédules.

La stupéfaction qui se lisait sur leur visage n’était pas liée à la mort de Rizzen ; ils ne s’étaient jamais attachés aux concubins que se choisissait leur mère, leur durée de vie était trop courte. C’était la rapidité et l’agilité de l’esprit-fantôme qui leur avaient coupé le souffle.

— Aussi habile que de son vivant, remarqua Dinin.

— Encore meilleur ! Zaknafein est le guerrier qu’il a toujours été et, maintenant, il n’a plus que ses techniques de combat à l’esprit. Il ne déviera pas de son objectif. Regardez-le, mes enfants : Zin-carla, le don de Lolth.

Malice se tourna vers Dinin et lui sourit malicieusement.

— Je ne m’approcherai pas de cette chose, haleta-t-il.

Peut-être que sa mère voulait une deuxième démonstration.

Elle se moqua de lui.

— Ne crains rien, mon fils. Je n’ai aucune raison de te faire du mal.

Les paroles de sa mère ne l’apaisèrent pas. Malice n’avait pas besoin de raisons, le corps lacéré de Rizzen en était la preuve.

— Tu guideras l’esprit-fantôme à l’extérieur, reprit Malice.

— À l’extérieur ? répondit Dinin, perplexe.

— Dans la zone où vous avez croisé ton frère.

— Je dois rester aux côtés de cette chose ? souffla l’aîné des Do’Urden.

— Mène-le là-bas et tu pourras l’y laisser. Zaknafein connaît sa proie. Des sorts l’aideront dans sa traque, expliqua Malice.

Se tenant à l’écart, Briza semblait préoccupée.

— Qu’y a-t-il ? lui demanda sa mère, la voyant froncer les sourcils.

— Je ne doute ni de la puissance de l’esprit-fantôme, ni de la magie dont tu l’as pourvu, hésita l’aînée des filles.

Elle savait que Malice ne tolérerait aucun désaccord étant donné l’importance du sujet.

— Tu as encore peur de ton jeune frère ? interrogea la Matrone.

Briza ne savait trop que répondre.

— Fais taire tes peurs, si fondées qu’elles puissent te paraître, déclara Malice calmement. Cela vaut pour tous ! Zaknafein est le don de notre reine. Rien dans toute l’Outreterre ne pourra l’arrêter !

Elle se tourna vers le monstre mort-vivant.

— Tu ne me décevras pas, n’est-ce pas, mon maître d’armes ?

Ses épées ensanglantées rangées dans leur fourreau, Zaknafein restait impassible, les bras le long du corps et le regard fixe. Telle une statue, il semblait ne pas respirer.

Mais ceux qui auraient été tentés de croire que Zaknafein était inanimé n’avaient qu’à regarder le corps lacéré et mutilé de l’ancien maître de la Maison Do’Urden pour se convaincre du contraire.

Terre d'Exil
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